Du
droit public au droit privé et du droit interne au droit international et
européen,
cette
rubrique a pour ambition de contenter toutes les spécialités.
N'hésitez
pas à suivre cette chronique pour découvrir chaque mois
une
sélection des arrêts les plus marquants. Bonne lecture !
Ord. CE référé, 16 mars 2017 n° 408730 : la circonstance que M. Dupont-Aignan « ne soit pas invité à participer au débat
organisé par la société TF1 le 20 mars ne peut être regardée, en elle-même,
quelles que soient les spécificités de ce type d'émissions d'information
politique, comme caractérisant une méconnaissance du principe d'équité ».
CE 29 mars 2017 n°407230 : Le Conseil d’Etat accepte de transmettre au Conseil
constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) relative
aux articles 5 et 13 de la loi du 3 avril 1955 sur l’état d’urgence au regard
notamment de la liberté d’aller et venir. La réponse sera très attendue :
ces dispositions fondant de nombreuses mesures relatives à l’état d’urgence. En
l’espèce, il s’agissait d’une interdiction de séjour.
CE 31 mars 2017 n°392316 : le Conseil d’Etat rejette le pourvoi d’un officier
de police judiciaire, sanctionné pour avoir consulté, à plusieurs reprises, le
STIC (système de traitement des infractions constatées) pour des raisons
étrangères au service et communiqué à un journaliste des extraits du STIC pour dénoncer les dysfonctionnements de ce
fichier. Certains auteurs[1]
affirment que la qualité de lanceur d’alerte lui est ainsi refusée.
Pour la haute cour administrative, l’officier de
police ne « pouvait se prévaloir des
stipulations de l'article 10 de la convention européenne de sauvegarde des
droits de l'homme et des libertés fondamentales au motif qu'elles protègent la
dénonciation par les agents publics de conduites ou d'actes illicites constatés
sur leur lieu de travail ».
Le Conseil d’Etat en conclut que « les agissements décrits ci-dessus
constituaient une violation des règles gouvernant le fonctionnement du fichier
STIC ainsi qu'un manquement aux obligations de réserve et de discrétion
professionnelle des fonctionnaires de police et présentaient le caractère d'une
faute de nature à justifier une sanction disciplinaire ».
CE 31 mars 2017 n°393155 : Le Conseil d’Etat apporte des précisions importantes
sur l’autopsie médicale. La
haute cour précise tout d’abord que « l’autopsie médicale constitue un acte médical soumis à la règle du
consentement présumé, sur lequel les proches de la personne décédée sont
interrogés si le défunt n’avait pas fait explicitement part de sa volonté, et
que, d’autre part, le médecin responsable n’est pas tenu de faire droit à la
demande des proches de pratiquer une telle autopsie, même lorsque la cause du
décès est incertaine. »
Concernant
les recours, il ajoute que « si,
dans le cadre d’une procédure pénale diligentée à la suite de la plainte d’un
membre de la famille d’une personne décédée, le procureur de la République peut
ordonner qu’une autopsie judiciaire soit pratiquée sur la victime, cette
possibilité ne fait pas obstacle à ce que des proches de la personne décédée
dans un établissement de santé, lorsque le médecin ayant établi le certificat
de décès a demandé la réalisation d’une autopsie médicale, puissent contester
devant le juge de l’excès de pouvoir la décision du directeur de
l’établissement de ne pas faire réaliser cette autopsie. »
CJUE 2 mars 2017 affaire C-568/15 : « Le coût d’un
appel vers un numéro téléphonique de service après-vente ne doit pas excéder
celui d’un appel standard. »
CJUE Grande chambre, 14 mars 2017 affaires C-157/15 (belge) et C-188/15 (française) : La Cour a été saisie de deux
affaires relatives aux conditions de la neutralité religieuse en
entreprise, l’une française et l’autre belge.
Dans cette dernière, la Cour affirme
qu’une clause de neutralité qui vise indifféremment toute manifestation par le
salarié de ses convictions personnelles (religieuses, politiques ou
philosophiques) ne saurait s’analyser en une discrimination directe. Mais la
juridiction de renvoi devra s’assurer qu’elle ne constitue pas une
discrimination indirecte. Pour prospérer, l’interdiction doit être
générale, indifférenciée, appropriée, nécessaire et répondre à un objectif
légitime. A cet égard, « le souhait d’un employeur d’afficher
une image de neutralité à l’égard de ses clients se rapporte à la liberté
d’entreprise, reconnue à l’article 16 de la Charte et revêt en principe un
caractère légitime, notamment lorsque seuls sont impliqués par l’employeur dans
la poursuite de cet objectif les travailleurs qui sont supposés entrer en
contact avec les clients de l’employeur ».
Dans l’affaire française, la Cour
juge qu’en l’absence de règlement intérieur, ce que la Cour de cassation devra
vérifier, la notion d’« exigence professionnelle essentielle et
déterminante » qui permet de déroger au principe de non-discrimination
ne couvre pas des considérations subjectives, telle que la volonté de
l’employeur de tenir compte des souhaits des clients[2].
CEDH 2 mars 2017, Labaca Larrea et autre c/ France n° 56710/13 : La Cour rappelle
que « la Convention n’accorde pas
aux détenus le droit de choisir leur lieu de détention et que la séparation et
l’éloignement du détenu de sa famille constituent des conséquences inévitables
de la détention ».
Elle
précise cependant que « le fait de
détenir une personne dans une prison éloignée de sa famille au point que toute
visite se révèle en réalité très difficile, voire impossible, peut, dans
certaines circonstances spécifiques, constituer une ingérence dans la vie
familiale du détenu, la possibilité pour les membres de sa famille de lui
rendre visite étant un facteur essentiel pour le maintien de la vie familiale ».
Or,
la Cour ne décèle pas de telles circonstances en l’espèce. Il s’agissait de
ressortissants espagnols, membres de l’organisation ETA qui avaient vécu en France
dans la clandestinité. Suite à leur condamnation, ils avaient été placés dans l’établissement
pénitencier de Lyon-Corbas. Ils soutenaient que ce placement, étaient contraire
à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme, protégeant le
droit à la vie privée et familiale en raison de l’important éloignement avec le
domicile de leurs proches. Mais, la Cour de Strasbourg relève que les
requérants avaient bien bénéficié de visites et d’appels téléphoniques
réguliers. Elle ajoute qu’il n’était pas démontré que les déplacements
effectués par les proches posaient des difficultés insurmontables.
Cass. 1ère Civ., 8 mars 2017 n° 16-13032 :
« Le choix des parents d'accoler
leurs deux noms est irrévocable. Toute demande postérieure à la déclaration
conjointe, visant à modifier judiciairement le nom de l'enfant est irrecevable.
Elle relève d'une procédure de changement. »
Cass. 3ème Civ., 9 mars 2017 n° 16-11728 :
« L'inscription d'une hypothèque constitue un
commencement d'exécution [de l’acte de cautionnement] indépendamment de la
personne qui l'effectue ».
Cass. 1ère Civ., 1er mars2017 n° 15-60247 : Une erreur de droit commise par un juge n'est pas une
faute professionnelle lourde au sens de l’article L141-3 du Code de
l’organisation judiciaire qui s’entend comme « une faute personnelle d'une extrême gravité
ou témoignant d'une intention malicieuse, et ne pouvait donner lieu qu'à
l'exercice d'une voie de recours ».
Cass. Crim., 8 mars 2017 n°16-80372 : La chambre criminelle de la Cour de
cassation précise que « la compétence du juge d'instruction pour
décider de la restitution des objets placés sous main de justice ne s'étend
qu'aux objets saisis dans le cadre de l'information dont il a la charge ».
Cass. Crim., 14 mars 2017 n°16-81805 : Cet arrêt précise l’articulation
de l’article L3421-1 du Code de la santé publique et 222-37 du Code pénal sur
les stupéfiants. La Cour de cassation juge que « les dispositions spéciales du premier de ces textes [L3421-1 du Code de la Santé publique], incriminant l'usage illicite de produits
stupéfiants, excluent l'application du second [222-37 du Code pénal], incriminant la détention de tels produits,
si les substances détenues étaient exclusivement destinées à la consommation
personnelle du prévenu ». En l’espèce, le prévenu avait été interpellé en
possession de trois grammes de résine de cannabis et avait reconnu faire usage
de cette substance depuis plusieurs années. Il avait été condamné par la cour
d’appel de Lyon pour détention de stupéfiants. La Cour de cassation censure
cette décision en estimant que la cour d’appel aurait dû caractériser
des faits de détention indépendants de la consommation personnelle du prévenu.
Cass. Crim., 15 mars 2017 n°16-83838 : « en matière correctionnelle, toute peine doit être motivée en
tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de
sa situation personnelle ; que le juge qui prononce une amende doit motiver sa
décision en tenant compte des ressources et des charges du prévenu ». Cette décision confirme un revirement de
jurisprudence intervenu en février 2017 (Crim. 1er févr. 2017, n°
15-83984) imposant la motivation de la peine d’amende en matière
correctionnelle.
Cass. Soc., 7 mars 2017 n°15-16865 : « hors état de subordination, une société faisant partie d'un groupe ne peut être considérée comme un co-employeur, à l'égard du personnel employé par une autre, que s'il existe entre elles, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d'intérêts, d'activités et de direction, se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de cette dernière ».
La Cour de cassation précise que « le fait que les dirigeants de la filiale
proviennent du groupe et soient en étroite collaboration avec la société
dominante, que celle-ci ait apporté à sa filiale un important soutien financier
et que pour le fonctionnement de la filiale aient été signées avec la société
dominante une convention de trésorerie ainsi qu'une convention générale
d'assistance moyennant rémunération, ne pouvaient suffire à caractériser une
situation de co-emploi ».
La haute cour judiciaire confirme ainsi la vision restrictive
du co-emploi posée dans l’arrêt Molex du 2 juillet 2014.
Cass. Soc., 15 mars 2017 n°15-24028 : La
haute cour judiciaire précise que « les
dispositions d'ordre public de l'article L. 1243-1 du code du travail, dont il
résulte que le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant
l'échéance du terme que dans les seuls cas visés par ce texte, ne prohibent pas
la stipulation de conditions suspensives ».
En l’espèce, une joueuse professionnelle de
basket-ball conclut un premier contrat de travail à durée déterminée (CDD) de
mai 2008 à fin mai 2010. Elle conclut avec son employeur un second CDD le 1er avril 2010. Mais ce contrat
comporte une condition suspensive stipulant qu’il ne sera définitif qu'une fois
remplies les conditions d'enregistrement par la fédération française de
basket-ball et de passage par la joueuse d'un examen médical, pratiqué au plus
tard trois jours après l'arrivée de la joueuse pour sa prise de fonction.
La joueuse subit un accident du travail début mai 2010.
La Cour de cassation approuve la solution de la
cour d’appel qui avait considéré que la condition suspensive ne s’étant pas
réalisée, le second contrat n’avait pas pris effet.
Cass. Soc., 23 mars 2017 n°15-23090 : La Cour de cassation
juge qu’une « sanction disciplinaire
autre que le licenciement ne peut être prononcée contre un salarié par un
employeur employant habituellement au moins vingt salariés que si elle est
prévue par le règlement intérieur prescrit par l'article L. 1311-2 du code du
travail ». Comme l’a remarqué Marie Peyronnet la
défaillance de l’employeur le prive de la « faculté de sanctionner les
fautes d’une gravité moindre à celles pouvant justifier un licenciement[3]. »
- Lucie Bordron.
Master 2 Droit social et relations professionnelles
à l'Université Paris Ouest Nanterre.
[1] Par
exemple : M-C de Montecler, « Philippe Pichon, lanceur d’alerte ou
indiscret ? » Dalloz actualité avril
2017
[2] SSL n°1762 du 27 mars 2017 ;
voir aussi LSQ n° 17287 du 16 mars 2017 p. 1-2
[3] M.
Peyronnet, « Référé contre une sanction disciplinaire autre que le
licenciement » Dalloz actualité 4 avril 2017
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