De plus, la chambre Criminelle
de la Cour de cassation a rendu un arrêt permettant de revenir sur une
ordonnance (définitive) de saisie et confiscation d’un bien.
Enfin, il a été nécessaire de
discuter de la compétence des juridictions pénales françaises pour connaître de
l’affaire des « biens mal acquis » suite à la saisie de la Cour
Internationale de Justice.
L’extension des délais de prescription de l’action publique en
matière pénale par la loi du 27 février 2017
L’extension des délais de prescription de l’action publique en
matière pénale par la loi du 27 février 2017
La prescription se définit
comme un mode légal d’acquisition ou d’extinction de droit. Autrement dit,
passé un certain délai la prescription acquisitive permet d’acquérir un droit, et la prescription
extinctive d’éteindre un droit. Le 16 février 2017, le Parlement a (enfin)
adopté la proposition de loi portant réforme de la prescription pénale. Ce
texte adopté après plus d’un an de débat, porte sur la prescription de l’action
publique en matière de délit et de crime. Cette loi a été publiée au Journal
officiel le 27 février 2017 (pour lire la loi).
Cette loi consacre plusieurs
jurisprudences, notamment pour les infractions occultes ou dissimulées où le
point de départ du délai de prescription sera établi le jour de la révélation
de l’infraction (le fait pour le ministère public d’avoir connaissance de
l’infraction permet alors de faire démarrer le délai de prescription).
Néanmoins, pour éviter que certains délits ou crimes ne soient
imprescriptibles, le législateur pose un délai maximum de 12 ans (pour les
délits) et 30 ans (pour les crimes) après la date de commission de
l’infraction.
Le point de désaccord entre
l’Assemblée nationale et le Sénat était du à un amendement ajouté par les
sénateurs qui souhaitaient allonger le délai de prescription en matière de
presse (de 3 mois à 1 an) pour les actes commis sur Internet. Allonger les
délais de prescription revient à restreindre la liberté d’expression, puisque
cela permet de porter à la connaissance des juridictions un plus grand nombre
d’affaires.
Enfin, le doublement des
délais de prescription en matière de délit et de crime va permettre d’augmenter
le nombre d’affaires porté à la connaissance de la justice. Néanmoins, étant
donné les faibles moyens de la justice, il est nécessaire de se demander si cet
allongement des délais de prescription ne permettrait pas de réguler dans le
temps le flux des dossiers portés à la connaissance des tribunaux [1].
Pour en savoir plus : http://www.assembleenationale.fr//14/dossiers/reforme_prescription_matiere_penale.asp
La remise en cause de l’existence d’une décision de remise d’un bien à l’AGRASC
L’Agence de gestion et de
recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC) est un établissement
public de l’Etat à caractère administratif placé sous la tutelle conjointe du
ministre de la justice et du ministre chargé du budget (Article 706-159 du code
de procédure pénale). Cette institution a été créée par la loi du 9 juillet 2010
(n°2010-768). L’Agence a pour mission de centraliser et d’améliorer le
traitement judiciaires des saisies et des confiscations en matière pénale
(Livre IV, titre XXX du code de procédure pénale). L’agence est administrée par
un conseil d’administration dont le président est un magistrat de l’ordre
judiciaire nommé par décret (article 706-162 du code de procédure pénale).
La Cour de cassation a dû apporter des précisions sur la requête en restitution d’un bien saisi, alors
même qu’une ordonnance (définitive) avait statué sur la remise de ce même bien
à l‘AGRASC. Lors d’une information ouverte
contre M et Mme X des chefs de prêts de main d’œuvre à but lucratif hors du
cadre légal du travail temporaire, prêt illicite de main d’œuvre, marchandage,
blanchiment, la chambre d’instruction, a rejeté la demande de
restitution de véhicules (confirmant ainsi le jugement du juge d’instruction).
La chambre de l’instruction a considéré que l’ordonnance de remise à l’AGRASC, ayant fait l’objet d’un
appel déclaré irrecevable (29 mars 2016), mais qui n’a pas fait l’objet d’un pourvoi
en cassation est devenu définitive.
La chambre Criminelle de la Cour de
cassation dans un arrêt du 22 février 2017 va alors considérer que « le juge saisi par le propriétaire d’un
bien meuble placé sous main de justice d’une requête en restitution de ce bien
est tenu de statuer sur son bien-fondé indépendamment de l’existence d’une
décision, fût-elle définitive, de remise à [l’AGRASC] en vue de son
aliénation ».
L’affaire des biens mal acquis, la compétence des juridictions françaises affirmée
Au cours des mois qui vont
s’écouler nous allons revenir sur l’affaire des biens mal acquis, il s’agira de
comprendre ensemble ce qui s’est déroulé jusqu’à présent.
Le procès de Teodoro Nguema
Obiang Mangue dit Teodorín a réellement débuté lundi 2 janvier 2017 à Paris. Le
prévenu est poursuivi pour blanchiment d’abus de biens sociaux, détournement de
fonds publics, abus de confiance et corruption. En 2012, la perquisition d’un
immeuble de l’avenue Foch avait mis en évidence le train de vie de Teodorín
Obiang. Le juge d’instruction estime
que ce patrimoine est évalué à plus d’une centaine de millions d’euros. Ce
patrimoine ne pourrait provenir des revenus officiels de M. Obiang. Il
s’agirait, alors, d’un détournement de fonds publics. La première question qui se
pose est de savoir s’il est possible pour la justice française de juger une
affaire mettant en jeu le fils du président de Guinée équatoriale et vice
président depuis le 22 juin 2016.
Le droit français combine
plusieurs principes permettant que la justice française connaisse d’une
affaire. Ainsi, il est nécessaire de s’intéresser au
principe de territorialité. Conformément à ce principe, la loi pénale française
s’applique à toutes
les infractions commises sur le territoire
de la République. Ce principe est consacré à l’article 113-2 du Code pénal. Il
convient de préciser que l’alinéa 2 de cet article énonce que l’infraction est
réputée commise sur le territoire dès lors qu’un de ses faits constitutifs a
eu lieu sur le territoire de la République.
Dans
l’affaire des « biens mal acquis », certains biens (notamment un
hôtel particulier de 4000 mètres carrés dans XVIe arrondissement de Paris) présent
sur le territoire français ont été acquis par de l’argent illicite
provenant de détournement d’argent public. Ces faits peuvent être considérés
comme un recel de détournement d’argent public (article 321-1 du code pénal).
Ainsi, il y a un délit qui a été consommé au sein même du territoire français.
Les
juridictions françaises sont alors compétentes pour connaître de cette affaire.
Il convient alors de se demander pourquoi cette affaire a fait couler autant
d’encre. La raison est
simple, elle vient de la persévérance de la défense de M. Obiang (fils) qui
refuse d’admettre cette compétence au nom des principes de Droit International.
La République de Guinée équatoriale a déposé (le 25 septembre 2012) au Greffe
de la Cour internationale de Justice (CIJ) une « Requête introductive d’instance
comportant demande de mesures conservatoires», qui tend notamment à
l’annulation, par la France, d’actes de poursuite et d’instruction dirigés à
l’encontre de M. Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, président de la République de
Guinée équatoriale (père), et de M. Teodoro Nguema Obiang Mangue (fils),
ministre guinéen de l’agriculture et des forêts, actuel vice-président de la
République de Guinée équatoriale.
Dans
ce document, la Guinée équatoriale fait valoir que ces actes de procédure
violent les principes d’égalité entre Etats, de non-ingérence, de la
souveraineté et du respect de l’immunité de juridiction pénale. Dans sa «demande
de mesures conservatoires», la Guinée équatoriale appelle en particulier la
Cour à « faire ordonner la restitution des objets et immeubles appartenant à la
République de Guinée Equatoriale» et saisis par les magistrats français dans le
cadre de l’instruction. Il s’agit, en l’espèce, d'un hôtel particulier à Paris, qui
semblerait être le local abritant la mission diplomatique équato-guinéenne en
France. La France refuse de lui accorder l’immunité conférée à de tels lieux en
vertu de la convention de Vienne, il y a ainsi un risque d’intrusion (les
perquisitions). La CIJ a donc considéré qu’il existe un risque réel de
préjudice irréparable au droit de l’inviolabilité des locaux diplomatiques de la
Guinée équatoriale, et une impossibilité de retour au statu quo ante. La CIJ ne répond
pas sur la compétence française, permettant à l’instance de se tenir comme
prévu en juin 2017. Néanmoins, elle considère à l’unanimité que « la France doit, dans l’attente
d’une décision finale en l’affaire, prendre toutes les mesures dont elle
dispose pour que les locaux présentés comme abritant la mission diplomatique de
la Guinée équatoriale au 42 avenue Foch à Paris jouissent d’un traitement
équivalent à celui requis par l’article 22 de la convention de Vienne sur les
relations diplomatiques, de manière à assurer leur inviolabilité ».
Pour en savoir plus : http://www.icj-cij.org/docket/files/163/19287.pdf
- Mahbouba Goul
Étudiante en Master 2 Droit pénal et sciences criminelles à Paris X.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire