jeudi 23 février 2017

Le droit pénal du mois - janvier 2017

Le début de l’année 2017 a été traversé par d’importantes difficultés en droit pénal, et cela se ressent dans les diverses manifestations qui ont (encore) actuellement lieu. Il convient de revenir sur l'affaire de Théo L. Pour avoir une lecture éclairée de cette affaire, il est nécessaire de mettre de coté la morale pour appliquer le droit.

De plus, la loi égalité et citoyenneté vient restreindre la liberté d’expression alors que ce droit fondamental est nécessaire à la vie démocratique.

Enfin, les juridictions pénales françaises compétentes pour connaître de l’affaire des « biens mal acquis » ont arrêté la date d’une audience au 19 juin 2017 pour juger de ce détournement de fonds publics.



 L’intention au centre de la qualification de l’acte de viol

Le 2 février 2017 à Aulnay-sous-Bois, une altercation a eu lieu entre un jeune homme et quatre policiers. Un policier (que l’on nommera ici X), aurait remarqué, lors d’une altercation entre Théo et d’autres policiers, les difficultés que ceux ci avaient à contenir ce jeune homme. X serait venu vers Théo, et lui aurait baissé son pantalon pour lui « enfoncer la matraque dans les fesses ». 
Maître Pascal Rouiller, Conseil de X, dénonce la violence du jeune homme envers les policiers lors de son interpellation, celui-ci aurait envoyé un direct du droit à l’un des policiers. X aurait alors utilisé sa matraque télescopique et enfoncé celle-ci dans l’anus de Théo, il réfute cependant l’intention volontaire de pénétration sexuelle. Les policiers, eux, contestent avoir baissé le pantalon du jeune homme afin de le violer. X souhaitait seulement exercer un point de compression sur le jeune homme, rien ne permettait d’imaginer que ce geste aurait été effectué volontairement dans un but de pénétration sexuelle.

Il convient alors de se demander si le fait d’enfoncer une matraque télescopique dans l’anus d’un Homme constitue un viol.

Le viol est une infraction matérielle, consacrée à l’article 222-23 du Code pénal qui dispose que tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte menace ou surprise est un viol. Il convient de développer l’élément préalable, l’élément matériel ainsi que l’élément intentionnel.

S’agissant de l’élément préalable,  la personne doit être humaine, vivante (ou que l’auteur croyait vivante) et autrui.
S’agissant de l’élément matériel, il est nécessaire de préciser trois points afin de pouvoir considérer l’acte comme un viol. Premièrement, il doit s’agir d’un acte de pénétration de nature sexuelle. Il s’agit, ici, de définir l’acte de pénétration sexuelle. D’une part, l’article fait mention d’ « un acte de pénétration » il s’agit d’une action positive de la part du mis en cause. D’autre part, l’acte de pénétration doit être sexuel, cela signifie que l’orifice où est introduit l’objet ou l’objet lui même doit être un organe de nature sexuelle. Afin de respecter le principe de légalité des délits et des peines, il faut préciser ce qu’est un orifice ou un objet de nature sexuelle. Un orifice ou un objet sera de nature sexuelle s’il est lié à un ensemble d’éléments cellulaires physiologiquement différenciés et combinés remplissant une fonction déterminée, en l’espèce qui différencient l’homme de la femme et qui leur permettent de se reproduire. Deuxièmement, il doit y avoir une absence de consentement de la victime, autrement dit, la personne n’a pas donné son autorisation à l’acte. Troisièmement, il doit y avoir l’usage par l’auteur de « violence, contrainte, menace ou surprise ».  La violence doit être directe et physique sur la victime elle même. La contrainte peut se définir comme une violence physique sur autrui et qui exerce une contrainte morale sur la victime. La menace est toute forme  d’oppression morale. La surprise est le fait de tromper la victime sur la situation réelle ou abusant de sa difficulté à apprécier une situation réelle.
S’agissant de l’élément intentionnel, cette intention est constituée des lors que l’auteur à la volonté ou la connaissance d’imposer des rapports sexuels non désirés par la victime.

En l’espèce, Théo est un être humain, vivant et une personne différente de l’auteur de l’acte. Tout d’abord, X aurait enfoncé une matraque télescopique dans l’anus de Théo. Il aurait alors amorcé un mouvement vers cette partie de l’anatomie. C’est un acte positif de pénétration. (Dans les diverses réponses que son avocat ou lui même a prononcé, X ne réfute pas la pénétration). La pénétration s’est effectuée par une matraque télescopique vers l’anus de Théo. Il s’agit d’une arme de catégorie D, qui n’est pas considéré comme un objet de nature sexuelle. L’objet n’étant pas de nature sexuelle, il convient alors de se demander si l’orifice est de nature sexuelle, l’anus n’est pas lié à un ensemble d’éléments cellulaires physiologiquement différenciés et combinés remplissant une fonction déterminée de reproduction. En effet, il est nécessaire de garder une définition biologique d’organe sexuelle, non pas une définition qui a trait à la vie sexuelle contemporaine. Bien que l’anus puisse être utilisé dans une relation sexuelle, il n’est pas un organe de reproduction. Ici, le terme « sexuelle » ne renvoie pas à un quelconque acte de coït mais à une fonction purement reproductrice. Il n’y a donc pas d’acte de pénétration de nature sexuelle.

Toutefois il semble nécessaire d’approfondir cette démonstration car en l’espèce, la cour de cassation pourrait être amenée à considérer cet acte comme un acte de nature sexuelle, cela dans l’optique de conforter le retentissement médiatique de l’affaire, mais également parce que sa jurisprudence n’est pas arrêté clairement sur la qualification de l’anus (Cf : Crim 24 juin 1987, Bull. Crim n° 265). Cependant, il faut préciser que sa jurisprudence actuelle tend vers la même conclusion que cette démonstration (Crim 9 décembre 1993, n° 93-81044).

Ensuite, Théo n’a pas donné son autorisation à l’acte, il n’était pas consentant pour cette pénétration.

Enfin, celui ci s’est fait maîtriser au sol afin d’être calmé par quatre individus, les différentes versions montrent que les coups venait de Théo et des individus également. La violence a été directe et physique sur Théo.

Ainsi, l’élément matériel de l’infraction de viol ne serait alors pas constitué.

L’auteur de cette pénétration soutient qu’elle aurait été accidentelle, il n’avait pas l’intention de pénétrer sexuellement Théo. La question à laquelle il est nécessaire de répondre est de savoir si 10 cm de matraque télescopique peuvent s’enfoncer « par accident » le long du canal anal.
Il est nécessaire de revenir (vulgairement) sur des détails biologiques et anatomiques pour savoir si cet acte aurait pu être accidentel.
Le sphincter permet l’ouverture et la fermeture de l’anus, si la pénétration est consentie le corps facilite l’ouverture de l’anus. Néanmoins si l’acte de pénétration est effectué par surprise ou par violence, le sphincter se contracte, créant une résistance à la pénétration d’un corps étranger.

De plus, le corps notamment les muscles ont une mémoire de forme, ainsi lors d’un rapport consenti et régulier le plaisir et cette mémoire musculaire amoindrissent les résistances à la pénétration. Cependant, cela n’a pas été le cas en l’espèce. Il faudrait pour l’avocat de la défense démontrer la possibilité d’enfoncer sur 10 cm une matraque télescopique dans une certaine inclinaison pour permettre une pénétration. Même si l’acte de pénétration relève d’un accident, la volonté d’imposer des rapports sexuels n’est pas prouvée. En effet, il n’y a pas de désir pour X d’imposer un rapport sexuel, ce qui est recherché dans cette altercation est la possibilité de contenir Théo par l’usage de la force.

Ainsi, X n’a pas eu la volonté d’imposer des rapports sexuels mais la volonté d’immobiliser la victime. L’élément intentionnel n’est pas constitué. Il est alors possible de considérer que l’infraction de viol ne peut être retenue, en raison du principe de légalité des délits et des peines, qui engage la justice à qualifier une infraction au plus proche des faits. 

Il convient alors de se demander si le fait de frapper et d’enfoncer une matraque dans les fesses d’un individu est constitutif de l’infraction d’actes de tortures et de barbarie.

Cette infraction est consacrée à l’article 222-1 du code pénal, et est punie de quinze ans de réclusion criminelle, ce qui permet la constitution d’une session de Cour d’assise. Il est même nécessaire d’ajouter que X est dépositaire de l’autorité publique (article 222-3 7° du code pénal), ainsi avec le jeu des circonstances aggravantes la peine encourue est de 20 ans.

  
·   L’adoption de la loi égalité et citoyenneté modifiant la loi du 29 juillet 1881 en matière de presse, vers la fin de l’interdiction de requalification

L’adoption de la loi n°2017-86 du 27 janvier 2017 dite loi « égalité et citoyenneté » vise à renforcer la lutte contre le racisme et les discriminations. La législation en matière de délit de presse se durcit, en effet, l’injure à caractère racial consacrée à l’article 33 de la loi du 29 juillet 1881 était puni de 6 mois d’emprisonnement et 22 500 euros d’amende. Cette loi de janvier 2017 consacre une modification de cette peine qui passe à un an d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende (article 170 du projet de loi). En outre, cette loi étend le champ d’application des infractions d’injure et de provocation à la discrimination et à l’identité de genre (modification de l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881).

Cette loi modifie un principe fondamental de la loi sur la presse, qui est salvateur pour la stratégie de défense des personnes poursuivies : l’interdiction de requalification. Le droit de la presse est considéré comme un des droits les plus difficiles à mettre en œuvre étant donné que le juge n’a pas la possibilité de requalifier les faits. En effet, la qualification juridique des faits dans l’acte de saisine initial de la juridiction est définitive. Si le prévenu parvient à démontrer l’erreur dans la qualification, le luge ne pourra que prononcer une relaxe. Or, cette loi introduit la possibilité pour le juge saisi de faits d’injure, de diffamation ou de provocation à la discrimination raciale de requalifier l’infraction.
Il faut comprendre que tous moyens trouvés par le législateur de minorer les stratégies de défense permettent au juge une plus grande souplesse pour condamner et donc une restriction de la liberté d’expression.

Enfin, il est nécessaire de saluer la généralisation de la circonstance aggravante à raison de la race (132-76 du code pénal) ou du sexe (132-77 du code pénal) applicable à tous les crimes ou délits (article 171 du projet de loi). En effet, cette circonstance aggravante était disséminée dans plusieurs textes spéciaux, il y avait une spécialisation pour certaines infractions. Cette unification, par la généralisation de cette circonstance aggravante permet une lecture plus fluide de la loi (cliquer ici pour lire la loi).

 L’affaire des biens mal acquis, la date d’un procès si attendu

Au cours des mois qui vont s’écouler nous allons revenir sur l’affaire des biens mal acquis, il s’agira de comprendre ensemble ce qui s’est déroulé jusqu’à présent, et les points qui seront sans doute abordés lors du procès.

Le procès de Teodoro Nguema Obiang Mangue dit Teodorín a débuté lundi 2 janvier 2017 à Paris. Le prévenu est poursuivi pour blanchiment d’abus de biens sociaux, détournement de fonds publics, abus de confiance et corruption.

En 2012, la perquisition d’un immeuble de l’avenue Foch avait mis en évidence le train de vie de Teodorín Obiang. Le juge d’instruction estime que ce patrimoine est évalué à plus d’une centaine de millions d’euros. Ce patrimoine ne pourrait  provenir des revenus officiels de M. Obiang. Il s’agirait d’un détournement de fonds publics.

Le procès s’est ouvert le lundi 2 janvier 2017. Dès l’ouverture de ce procès Me. Emmanuel Marsigny a demandé le report de l’audience. En effet, pour des raisons de préparation du procès celui-ci pourrait être ajourné. Les avocats de M.Obiang mettent en avant l’article 16 du code de procédure civile qui énonce que « Le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ». Ainsi ce principe du contradictoire exigerait du temps pour que les conseils de M. Obiang puisse préparer la défense et entendre tous les témoins. Apres deux jours d’audience, le mercredi 4 janvier la Présidente du Tribunal correctionnel s’est prononcé, et a accordé un délai de six mois à M. Obiang pour pour mieux préparer sa défense. Le premier procès de l’affaire des « biens mal acquis » débutera le 19 juin 2017.

La première question qui se pose est la possibilité pour la justice française de juger une affaire mettant en jeu le fils du président de Guinée équatoriale et vice président depuis le 22 juin 2016. (Réponse dans la publication de mars 2017).


- Mahbouba Goul 
Étudiante en Master 2  Droit pénal et sciences criminelles à Paris X. 

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