Le début de l’année 2017 a été
traversé par d’importantes difficultés en droit pénal, et cela se ressent dans
les diverses manifestations qui ont (encore) actuellement lieu. Il convient de
revenir sur l'affaire de Théo L. Pour avoir une lecture éclairée de cette
affaire, il est nécessaire de mettre de coté la morale pour appliquer le droit.
De plus, la loi égalité et
citoyenneté vient restreindre la liberté d’expression alors que ce droit
fondamental est nécessaire à la vie démocratique.
Enfin, les juridictions
pénales françaises compétentes pour connaître de l’affaire des « biens mal
acquis » ont arrêté la date d’une audience au 19 juin 2017 pour juger de
ce détournement de fonds publics.
L’intention au centre de la qualification de
l’acte de viol
Le 2 février 2017 à
Aulnay-sous-Bois, une altercation a eu lieu entre un jeune homme et quatre
policiers. Un policier (que l’on nommera
ici X), aurait remarqué, lors d’une altercation entre Théo et d’autres
policiers, les difficultés que ceux ci avaient à contenir ce jeune homme. X serait venu vers Théo, et
lui aurait baissé son pantalon pour lui « enfoncer la matraque dans les
fesses ».
Maître Pascal Rouiller, Conseil
de X, dénonce la violence du jeune homme envers les policiers lors de son
interpellation, celui-ci aurait envoyé un direct du droit à l’un des policiers.
X aurait alors utilisé sa matraque télescopique et enfoncé celle-ci dans l’anus
de Théo, il réfute cependant l’intention volontaire de pénétration sexuelle.
Les policiers, eux, contestent avoir baissé le pantalon du jeune homme afin de
le violer. X souhaitait seulement exercer un point de compression sur le jeune
homme, rien ne permettait d’imaginer que ce geste aurait été effectué
volontairement dans un but de pénétration sexuelle.
Il convient alors de se
demander si le fait d’enfoncer une matraque télescopique dans l’anus d’un Homme
constitue un viol.
Le viol est une infraction
matérielle, consacrée à l’article 222-23 du Code pénal qui dispose que tout
acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la
personne d’autrui par violence, contrainte menace ou surprise est un viol. Il convient de développer
l’élément préalable, l’élément matériel ainsi que l’élément intentionnel.
S’agissant de l’élément
préalable, la personne doit être
humaine, vivante (ou que l’auteur croyait vivante) et autrui.
S’agissant de l’élément
matériel, il est
nécessaire de préciser trois points afin de pouvoir considérer l’acte comme
un viol. Premièrement, il doit s’agir d’un acte de
pénétration de nature sexuelle. Il s’agit, ici, de définir l’acte de
pénétration sexuelle. D’une part, l’article fait
mention d’ « un acte de pénétration » il s’agit d’une action
positive de la part du mis en cause. D’autre part, l’acte de
pénétration doit être sexuel, cela signifie que l’orifice où est introduit
l’objet ou l’objet lui même doit être un organe de nature sexuelle. Afin de
respecter le principe de légalité des délits et des peines, il faut préciser ce
qu’est un orifice ou un objet de nature sexuelle. Un orifice ou un objet sera
de nature sexuelle s’il est lié à un ensemble d’éléments cellulaires
physiologiquement différenciés et combinés remplissant une fonction déterminée,
en l’espèce qui différencient l’homme de la femme et qui leur permettent de se
reproduire. Deuxièmement, il doit y avoir une absence
de consentement de la victime, autrement dit, la personne n’a pas donné son
autorisation à l’acte. Troisièmement, il doit y avoir
l’usage par l’auteur de « violence,
contrainte, menace ou surprise ». La violence doit être directe et physique sur
la victime elle même. La contrainte peut se définir comme une violence physique
sur autrui et qui exerce une contrainte morale sur la victime. La menace est
toute forme d’oppression morale. La
surprise est le fait de tromper la victime sur la situation réelle ou abusant de
sa difficulté à apprécier une situation réelle.
S’agissant de l’élément intentionnel,
cette intention est constituée des lors que l’auteur à la volonté ou la
connaissance d’imposer des rapports sexuels non désirés par la victime.
En l’espèce, Théo est un être
humain, vivant et une personne différente de l’auteur de l’acte. Tout d’abord, X aurait enfoncé
une matraque télescopique dans l’anus de Théo. Il aurait alors amorcé un
mouvement vers cette partie de l’anatomie. C’est un acte positif de
pénétration. (Dans les diverses réponses que son avocat ou lui même a prononcé,
X ne réfute pas la pénétration). La pénétration s’est effectuée
par une matraque télescopique vers l’anus de Théo. Il s’agit d’une arme de
catégorie D, qui n’est pas considéré comme un objet de nature sexuelle. L’objet n’étant pas de nature
sexuelle, il convient alors de se demander si l’orifice est de nature sexuelle,
l’anus n’est pas lié à un ensemble d’éléments cellulaires physiologiquement
différenciés et combinés remplissant une fonction déterminée de reproduction.
En effet, il est nécessaire de garder une définition biologique d’organe sexuelle,
non pas une définition qui a trait à la vie sexuelle contemporaine. Bien que
l’anus puisse être utilisé dans une relation sexuelle, il n’est pas un organe de
reproduction. Ici, le terme « sexuelle » ne renvoie pas à un quelconque
acte de coït mais à une fonction purement reproductrice. Il n’y a donc pas d’acte de
pénétration de nature sexuelle.
Toutefois il semble nécessaire
d’approfondir cette démonstration car en l’espèce, la cour de cassation
pourrait être amenée à considérer cet acte comme un acte de nature sexuelle, cela
dans l’optique de conforter le retentissement médiatique de l’affaire, mais
également parce que sa jurisprudence n’est pas arrêté clairement sur la
qualification de l’anus (Cf : Crim 24 juin 1987, Bull. Crim n° 265). Cependant,
il faut préciser que sa jurisprudence actuelle tend vers la même conclusion que
cette démonstration (Crim 9 décembre 1993, n° 93-81044).
Ensuite, Théo n’a pas donné
son autorisation à l’acte, il n’était pas consentant pour cette pénétration.
Enfin, celui ci s’est fait maîtriser au sol afin d’être calmé par quatre individus, les différentes
versions montrent que les coups venait de Théo et des individus également. La
violence a été directe et physique sur Théo.
Ainsi, l’élément matériel de
l’infraction de viol ne serait alors pas constitué.
L’auteur de cette pénétration soutient
qu’elle aurait été accidentelle, il n’avait pas l’intention de pénétrer
sexuellement Théo. La question à laquelle il est nécessaire de répondre est de
savoir si 10 cm de matraque télescopique peuvent s’enfoncer « par accident
» le long du canal anal.
Il est nécessaire de revenir
(vulgairement) sur des détails biologiques et anatomiques pour savoir si cet
acte aurait pu être accidentel.
Le sphincter permet
l’ouverture et la fermeture de l’anus, si la pénétration est consentie le corps
facilite l’ouverture de l’anus. Néanmoins si l’acte de pénétration est effectué
par surprise ou par violence, le sphincter se contracte, créant une résistance
à la pénétration d’un corps étranger.
De plus, le corps notamment
les muscles ont une mémoire de forme, ainsi lors d’un rapport consenti et
régulier le plaisir et cette mémoire musculaire amoindrissent les résistances à
la pénétration. Cependant, cela n’a pas été le cas en l’espèce. Il faudrait pour l’avocat de
la défense démontrer la possibilité d’enfoncer sur 10 cm une matraque
télescopique dans une certaine inclinaison pour permettre une pénétration. Même si l’acte de pénétration
relève d’un accident, la volonté d’imposer des rapports sexuels n’est pas
prouvée. En effet, il n’y a pas de désir pour X d’imposer un rapport sexuel, ce
qui est recherché dans cette altercation est la possibilité de contenir Théo
par l’usage de la force.
Ainsi, X n’a pas eu la volonté
d’imposer des rapports sexuels mais la volonté d’immobiliser la victime. L’élément intentionnel n’est
pas constitué. Il est alors possible de
considérer que l’infraction de viol ne peut être retenue, en raison du principe
de légalité des délits et des peines, qui engage la justice à qualifier une
infraction au plus proche des faits.
Il convient alors de se demander si le fait de frapper et
d’enfoncer une matraque dans les fesses d’un individu est constitutif de
l’infraction d’actes de tortures et de barbarie.
Cette infraction est consacrée
à l’article 222-1 du code pénal, et est punie de quinze ans de réclusion
criminelle, ce qui permet la constitution d’une session de Cour d’assise. Il
est même nécessaire d’ajouter que X est dépositaire de l’autorité publique (article
222-3 7° du code pénal), ainsi avec le jeu des circonstances aggravantes la
peine encourue est de 20 ans.
· L’adoption de la loi égalité et
citoyenneté modifiant la loi du 29 juillet 1881 en matière de presse, vers la
fin de l’interdiction de requalification
L’adoption de la loi n°2017-86
du 27 janvier 2017 dite loi « égalité et citoyenneté » vise à
renforcer la lutte contre le racisme et les discriminations. La législation en matière de
délit de presse se durcit, en effet, l’injure à caractère racial consacrée à
l’article 33 de la loi du 29 juillet 1881 était puni de 6 mois d’emprisonnement
et 22 500 euros d’amende. Cette loi de janvier 2017 consacre une modification
de cette peine qui passe à un an d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende
(article 170 du projet de loi). En outre, cette loi étend le
champ d’application des infractions d’injure et de provocation à la
discrimination et à l’identité de genre (modification de l’article 24 de la loi
du 29 juillet 1881).
Cette loi modifie un principe
fondamental de la loi sur la presse, qui est salvateur pour la stratégie de
défense des personnes poursuivies : l’interdiction de requalification. Le
droit de la presse est considéré comme un des droits les plus difficiles à
mettre en œuvre étant donné que le juge n’a pas la possibilité de requalifier les
faits. En effet, la qualification juridique des faits dans l’acte de saisine
initial de la juridiction est définitive. Si le prévenu parvient à démontrer l’erreur
dans la qualification, le luge ne pourra que prononcer une relaxe. Or, cette loi introduit la possibilité pour le
juge saisi de faits d’injure, de diffamation ou de provocation à la
discrimination raciale de requalifier l’infraction.
Il faut comprendre que tous
moyens trouvés par le législateur de minorer les stratégies de défense
permettent au juge une plus grande souplesse pour condamner et donc une
restriction de la liberté d’expression.
Enfin, il est nécessaire de
saluer la généralisation de la circonstance aggravante à raison de la race
(132-76 du code pénal) ou du sexe (132-77 du code pénal) applicable à tous les
crimes ou délits (article 171 du projet de loi). En effet, cette circonstance
aggravante était disséminée dans plusieurs textes spéciaux, il y avait une
spécialisation pour certaines infractions. Cette unification, par la
généralisation de cette circonstance aggravante permet une lecture plus fluide
de la loi (cliquer ici pour lire la loi).
L’affaire des biens mal
acquis, la date d’un procès si attendu
Au cours des mois qui vont
s’écouler nous allons revenir sur l’affaire des biens mal acquis, il s’agira de
comprendre ensemble ce qui s’est déroulé jusqu’à présent, et les points qui
seront sans doute abordés lors du procès.
Le procès de Teodoro Nguema Obiang
Mangue dit Teodorín a débuté lundi 2 janvier 2017 à Paris. Le prévenu est
poursuivi pour blanchiment d’abus de biens sociaux, détournement de fonds
publics, abus de confiance et corruption.
En 2012, la perquisition d’un
immeuble de l’avenue Foch avait mis en évidence le train de vie de Teodorín
Obiang. Le juge d’instruction estime
que ce patrimoine est évalué à plus d’une centaine de millions d’euros. Ce
patrimoine ne pourrait provenir des
revenus officiels de M. Obiang. Il s’agirait d’un détournement de fonds publics.
Le procès s’est ouvert le
lundi 2 janvier 2017. Dès l’ouverture de ce procès Me. Emmanuel Marsigny a
demandé le report de l’audience. En effet, pour des raisons de préparation du
procès celui-ci pourrait être ajourné. Les
avocats de M.Obiang mettent en avant l’article 16 du code de procédure civile qui
énonce que « Le juge
doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe
de la contradiction ». Ainsi ce principe du contradictoire exigerait du
temps pour que les conseils de M. Obiang puisse préparer la défense et entendre
tous les témoins. Apres deux jours d’audience,
le mercredi 4 janvier la Présidente du Tribunal correctionnel s’est prononcé,
et a accordé un délai de six mois à M. Obiang pour pour mieux préparer sa
défense. Le premier procès de l’affaire des « biens mal acquis »
débutera le 19 juin 2017.
La première question qui se
pose est la possibilité pour la justice française de juger une affaire mettant
en jeu le fils du président de Guinée équatoriale et vice président depuis le
22 juin 2016. (Réponse dans la publication de mars 2017).
- Mahbouba Goul
Étudiante en Master 2 Droit pénal et sciences criminelles à Paris X.
Étudiante en Master 2 Droit pénal et sciences criminelles à Paris X.
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