Le 17 janvier 2017, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur un décret lié à la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques. Cette loi prévoyait la mise en place de nouveaux offices de notaire en vue d’encourager la concurrence sur ce marché. Le décret n° 2016-1509 du 9 novembre 2016 relatif aux sociétés constituées pour l'exercice de la profession de notaire a permis que les nouveaux offices notariaux puissent être obtenus par des notaires déjà installés sans augmentation du nombre de professionnels. Deux notaires fraîchement diplômés et candidats à la nomination pour l’un de ces office ont introduit un recours devant le juge des référés pour contester la légalité de ce décret.
Ils soulèvent dans un premier temps une question prioritaire de
constitutionnalité. Ils
estiment qu’il y a atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre
induite par l’article 52 de la loi d’août 2015. Cet article donne la
possibilité au Ministre de la justice de refuser la création d’un nouvel office
dans une zone où cette création provoquerait une « atteinte à la
continuité de l'exploitation des offices existants » et pourrait « compromettre la qualité du
service rendu ». Le juge des référés balaye cette
argumentation considérant que ces dispositions avaient déjà été déclarées
conformes à la Constitution dans une décision du 5 août 2015.
Après avoir écarté ce point, le juge
des référés se concentre sur la légalité du décret de novembre 2016.
Dans
un premier temps, il interroge la possibilité pour société civile
professionnelle d’être titulaire de plusieurs offices. Les requérants font
en effet valoir une rupture d’égalité entre les personnes morales et les
personnes physiques. Il serait possible aux personnes morales d’être titulaires
de plusieurs offices là où les personnes physiques sont contraintes de n’être
titulaire que d’un office. Le
juge des référés rappelle alors que si une société peut être titulaire de
plusieurs office, chaque associé est nommé et titulaire d’un seul office. Il
n’y a donc pas de rupture d’égalité.
Ensuite le juge traite le problème de
la candidature d’une société civile professionnelle à un office crée en
application de la loi du 6 août 2015. Le juge considère que rien dans la loi ne
« fait obstacle (…) à ce que des candidats aux nouveaux offices
puissent être présentées par des sociétés civiles professionnelles déjà
titulaires d’un office. » Dès lors le décret n’est pas entaché
d’illégalité selon le juge des référés.
Je propose ici de se focaliser sur l’enjeu économique
sous-jacent davantage que sur le problème juridique de conformité du décret à
la loi. Il s’agit d’un
problème liée au fonctionnement concurrentiel du marché notarial.
Pourquoi vouloir encourager la concurrence sur le marché notarial ?
Un
marché concurrentiel se définit comme un marché sur lequel les offreurs n’ont
pas de pouvoir individuel sur la fixation du prix. On dit alors de
l’offreur qu’il dispose d’un faible pouvoir de marché s’il n’a pas la capacité
d’augmenter unilatéralement son prix, il est contraint pas la structure
concurrentielle du marché. Une augmentation individuelle du prix pousserait
nécessairement les consommateurs à se tourner vers un concurrent.
Le
législateur avait pour but de faciliter l’accès aux notaires en provoquant une
augmentation de l’effet concurrentiel. La concurrence devait être plus rude
favorisant une baisse des prix du fait de cette augmentation du nombre
d’acteurs.
Néanmoins, cette décision semble casser
la dynamique pro concurrentielle dans la mesure où l’entrée de nouveaux acteurs
n’est pas favorisée. En effet, si des opérateurs déjà installés peuvent
prendre en main les nouvelles charges créées, alors la multiplication des
acteurs est altérée. L’effet géographique est certes maintenu puisque de
nouveaux territoires peuvent être touchés. Cependant l’effet prix est cassé par
cette démarche.
Il
faut relativiser le propos cependant dans la mesure où l’acquisition définitive
des nouvelles charges n’est pas dors et déjà déterminée. En effet, il n’est
ici question que de la recevabilité de la candidature. Toutefois, un risque
d’altération est déjà introduit du fait de cette possibilité.
François Curan.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire