Selon les données transmises par le
ministère du Travail, les femmes seraient sous-représentées parmi les élus du
personnel. En effet, la proportion d’élus femmes atteint les 36,42 % au premier
tour et 39,18 % au second tour alors que les femmes représentent 47,9 % de la
population en emploi. La loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi, plus connue sous le nom de loi Rebsamen, a donc mis en place des mesures tendant à
parvenir à une représentation plus équilibrée des hommes et des femmes.
Cette loi crée dans son article 7 une obligation de présenter des listes paritaires aux élections professionnelles (délégués du personnel, comité d’entreprise, titulaires comme suppléants). L’ensemble des dispositions relatives à la parité entre les hommes et les femmes entrera en vigueur à compter du 1er janvier 2017. La loi ne précise pas si cette date s’applique à celle de l’invitation de l’employeur à négocier le protocole électoral, à celle de la négociation du protocole électoral ou à celle de l’élection.
Les implications sur le protocole électoral
La
répartition du personnel dans les différents collèges électoraux et la
répartition des sièges entre les différentes catégories du personnel font
l’objet d’un accord entre l’employeur et les organisations syndicales (article
L2314-11 du Code du travail). La loi prévoit que cet accord mentionne la proportion de femmes et d’hommes composant
chaque collège électoral. L'employeur doit porter à la connaissance des salariés la part de femmes et d'hommes
composant chaque collège électoral (article L.
2314-24-2 du Code du travail).
Les implications sur les listes électorales
Pour chaque collège électoral, les listes titulaires comme les listes suppléants qui
comportent plusieurs candidats devront être composées d'un nombre de femmes et d'hommes
correspondant à la part de femmes et d'hommes inscrits sur la liste électorale
de chaque collège1. Cette obligation s’applique aux listes présentées au premier comme au deuxième tour des
élections. Il n’est pas possible de compenser la liste titulaire avec la
liste suppléant, c’est-à-dire de placer tous les hommes sur une liste et toutes
les femmes sur l’autre : chaque
liste doit individuellement respecter la parité.
Exemple : Si un
collège est composé de 70 % d’hommes et de 30 % de femmes, alors une liste titulaire de 10 personnes devrait comporter 7 hommes et 3 femmes. Une liste suppléante de 10 personnes
devrait aussi comporter 7 hommes et 3 femmes.
Les listes doivent être composées alternativement d'un candidat de chaque sexe jusqu'à ce qu’il n’y
ait plus de candidats d'un des sexes. Les listes doivent donc être
composées d’une alternance entre un homme et une femme et il n’est pas possible de placer tous les candidats d’un même sexe
en tête de liste.
En pratique, après épuisement des candidats d’un des
sexes, la liste sera complétée avec les candidats du sexe surreprésenté,
toujours placés en bas de liste. Si l’entreprise
est composée de 30 % de femmes et de 70 % d’hommes, la liste devra comporter 30
% de noms de femme et 70 % de noms d’hommes, en alternant noms de femmes et
noms d’hommes (ou vice versa), jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de candidates. A ce moment, le
reste de la liste se composera des noms des hommes restants.
Exemple : H1 ; F1 ; H2 ; F2 ; H3 ; F3 ; H4 ; H5 ; H6 ; H7
OU F1 ; H1 ; F2 ; H2 ; F3 ; H3 ; H4 ; H5 ; H6 ; H7
Lorsque l'application de cette règle n'aboutit pas à un
nombre entier de candidats à désigner pour chacun des deux sexes, il est
procédé à l'arrondi arithmétique suivant :
- arrondi à l'entier supérieur en cas de
décimale supérieure ou égale à 5 ;
- arrondi à l'entier inférieur en cas de
décimale strictement inférieure à 5.
Exemple : Un collège
comporte 45,3 % de femmes et 54,7 % d’hommes et il faut composer une liste de
10 personnes.
45,3 % F / 10 = 4,53. La décimale est supérieure à 5, on arrondit donc
à l’entier supérieur, la liste présentée devra comporter 5 femmes.
54,7 % H / 10 = 5,47. La décimale est inférieure à 5, on arrondit à l’entier
inférieur, la liste doit comporter 5 hommes.
En cas de nombre
impair de sièges à pourvoir et de stricte
égalité entre les femmes et les hommes inscrits sur les listes électorales,
la liste comprend indifféremment un
homme ou une femme supplémentaire.
La sanction
Si un juge constate, après l’élection, qu’une liste de
candidats ne présentait pas un nombre
d’hommes et de femmes proportionnel au nombre d’hommes et de femmes dans le
collège, l’élection d’un ou des
candidats du sexe surreprésenté sera annulée.
Le juge annule l'élection des derniers élus du sexe surreprésenté en suivant l'ordre inverse de la liste des candidats. 2
Exemple : Si 4 personnes de sexe
masculin ont été élues alors que la liste ne pouvait comprendre que 3 hommes,
l’élection du dernier homme figurant sur la liste doit être annulée.
Si
un juge constate, après l’élection, qu’une liste de candidats n’a pas été composée en alternant un homme et
une femme, l’élection du ou des élus dont la position sur la liste de candidats n’est
pas bonne sera annulée. Exemple : Si la liste est comme ceci : Homme 1 ; Homme 2 ;
Femme 1, alors l’élection de « Homme 2 » sera annulée.
La demande
d’annulation intervient nécessairement après l’élection. La
loi ne contient pas de disposition spécifique à la parité dans les listes
électorales. S’appliquent donc les dispositions générales relatives aux
élections professionnelles. Les article R2324-24 et R2314-28 du Code du travail concernant respectivement les membres du comité
d’entreprise et les délégués du personnel,
prévoient qu'en cas d’irrégularité de l’élection le tribunal d’instance doit être saisi de la contestation par voie de
déclaration au greffe dans les 15 jours suivants l’élection.
Le délai de quinze jours court à compter de la proclamation
nominative des élus qui leur confère la qualité de représentants du
personnel (Soc. 16 juill. 1987). Lorsqu’elle
est formée par déclaration écrite, la
contestation a pour date celle de son envoi par la poste. La déclaration
est donc recevable si elle est postée et tamponnée par la poste le dernier jour
du délai de contestation (Soc. 6
janv. 2011).
Le code du travail prévoit que des élections partielles
sont organisées à l'initiative de l'employeur si un collège électoral n’a plus de
représentant ou si le nombre des délégués titulaires est réduit de moitié ou
plus (article L2314-7 et L2324-10 du Code du travail). Selon la loi du
17 août 2015, ces dispositions ne
sont pas applicables lorsque ces événements sont la conséquence de l'annulation
de l'élection de délégués du personnel ou des membres du CE prononcée par le
juge en raison du non-respect des règles de
parité.
S’il y avait 3 candidatures de femmes
sur une liste et qu’elles ont toutes les 3 été élues, alors que suivant les
règles de parité, il y aurait dû y avoir 1 femme et 2 hommes sur la liste,
alors l’élection de 2 des 3 femmes sera annulée. Dans ce cas, le collège
électoral n’aura plus qu’un représentant du personnel au lieu de trois
jusqu’aux prochaines élections professionnelles (qui ont lieu tous les 4 ans,
sauf accord collectif). On peut craindre
qu’un employeur se serve de cette disposition non pas pour s’assurer du respect
de la parité aux élections professionnelles, mais plutôt pour mettre un frein à
une représentation effective des salariés dans son entreprise.
Les conséquences prévisibles de ces dispositions et la réaction souhaitée
Si l’idée d’imposer des listes paritaires est louable, le
mode de calcul (l’attribution du siège au sexe le plus fort) conduit dans
certains cas, notamment quand l’effectif de l’entreprise est réduit, à sous-représenter
voir à exclure totalement les candidatures féminines. Non seulement cela ne
permet pas une représentation paritaire, mais cela peut conduire à interdire à
une catégorie de sexe de se présenter.
Les candidats en tête de liste sont généralement ceux qui sont élus. Selon l’ordre dans lequel les candidats sont présentés sur la liste, et surtout selon le sexe du premier candidat, les résultats ne seront pas forcément représentatifs de la répartition homme/femme dans l’entreprise.
Les candidats en tête de liste sont généralement ceux qui sont élus. Selon l’ordre dans lequel les candidats sont présentés sur la liste, et surtout selon le sexe du premier candidat, les résultats ne seront pas forcément représentatifs de la répartition homme/femme dans l’entreprise.
Exemple : Un
collège contient 1/3 de femmes et 2/3 d’hommes. Les élections professionnelles
ont lieu afin d’élire 9 DP titulaires. La liste de candidats doit donc contenir
3 femmes et 6 hommes, présentés alternativement jusqu’à ce qu’il n’y ait plus
de candidates, et le bas de liste est complété par les candidats hommes
restant. La liste peut être présentée de 2 façons :
1 H1 ; F1 ; H2 ; F2 ; H3 ; F3 ; H4 ; H5 ; H6
2 F1 ; H1 ; F2 ; H2 ; F3 ; H3 ; H4 ; H5 ; H6
Au
moment des résultats, la liste se voit attribuer 3 sièges. Si la répartition
des sièges entre hommes et femmes correspondait à la répartition homme/femme au
sein du collège, il devrait y avoir 1 élu femme et 2 élus hommes. Si les 3 premiers candidats de la liste 1)
sont élus, alors il y aura 1 DP femme et 2 DP hommes, ce qui correspond à la
répartition homme/femme dans le collège. Si les 3 premiers candidats de la
liste 2) sont élus, alors il y aura 2 DP femmes et 1 DP homme, ce qui ne
correspond pas du tout à la répartition homme/femme dans le collège.
La loi Rebsamen exige seulement que la parité soit respectée sur
les listes électorales, et non dans les résultats. Par conséquent, le fait que
les DP élus ne soient pas représentatifs de la répartition homme/femme dans
l’entreprise ne semble pas pouvoir être sanctionné. On voit là encore l’incapacité
de la loi à atteindre ses objectifs.
Dans les TPE et les PME,
l’implantation syndicale est plus faible que dans les grandes entreprises. Dans
ces entreprises, l’obligation de présenter des listes paritaires risque de
rendre la représentation syndicale des salariés moins effective. En effet, s’il manque des candidats d’un sexe,
les listes qui sont présentées risqueront d’être carencées, ou d’être
formées par des candidatures fictives, pour respecter les prescriptions
légales. Et dans le cas où la liste serait présentée alors même qu’elle ne
respecte pas les règles de parité, alors les candidatures du sexe surreprésenté
seront annulées. Cela revient à privilégier la non-discrimination femmes/hommes sur la représentation effective
et indépendante des salariés dans l’entreprise, avec parfois pour résultat
que ni l’un ni l’autre de ces objectifs ne soit atteint.
Dans le cas où une
liste manquerait de candidats d’une catégorie de sexe, le syndicat pourrait en
rechercher, afin de remplir les critères imposés par la loi, et un(e)
salarié(e) pourrait être tenté(e) de se
mettre sur la liste simplement pour que le syndicat puisse se présenter. Or, un
dialogue social de qualité suppose des représentants du personnel compétents et
motivés. Il n’est pas suffisant d’avoir des candidats pour respecter la
loi, il faut des candidats prêts à s’investir.
Il est donc nécessaire de favoriser une participation accrue et réelle des femmes à
l'ensemble des responsabilités syndicales et professionnelles, en amont
des élections professionnelles, et c’est d’ailleurs l’objectif annoncé de cette
loi. Pour cela, il faut que les listes qui manquent de femmes se rapprochent
des secteurs de l’entreprise qui sont plus féminisés, et que les
responsabilités au sein des sections syndicales soient modifiées afin de donner une plus grande place aux femmes. Je parle surtout des femmes car elles sont
statistiquement sous-représentées parmi les élus du personnel, mais cela s’applique évidemment aussi aux hommes
dans les secteurs majoritairement féminins.
Cassandre,
ancienne étudiante de Paris X,
actuellement en master 2 de droit du travail à la Sorbonne,
juriste apprentie au sein de la CGT.
ancienne étudiante de Paris X,
actuellement en master 2 de droit du travail à la Sorbonne,
juriste apprentie au sein de la CGT.
1. Article L.
2314-24-1 du code du travail concernant les délégués du personnel et article
L2324-22-1 concernant les membres du comité d’entreprise
2. Articles L2314-25 et L2324-23 du Code du travail
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