mercredi 12 octobre 2016

Proposition de loi relative aux droits de l'enfant en prison



Le 29 juin 2016 a été déposée une proposition de loi modifiant la loi n°2009-1436 du 24 novembre 2009, dite loi pénitentiaire pour reconnaître les droits de l'enfant en prison. 

Cette loi a été déposée au Sénat par M. Hugues PORTELLI et plusieurs de ses collègues. Elle est à ce jour encore au stade de la première lecture.  


Etat du droit

 

Les conditions de détention de l’enfant de la mère incarcérée


Les enfants peuvent être laissés auprès de leur mère en détention jusqu'à l'âge de dix-huit mois[1]. À la demande de la mère, la limite d'âge de dix-huit mois peut être reculée, sur décision du directeur interrégional des services pénitentiaires territorialement compétents, après avis d'une commission consultative[2]. Avant d'émettre son avis, la commission entend le défenseur de la mère et, si possible, le père de l'enfant. La circulaire du 18 août 1999 invite les directeurs régionaux à ne pas dépasser 6 mois de plus, afin qu’aucun enfant de plus de 2 ans ne soit en détention avec sa mère. 

Les autorités judiciaires et pénitentiaires ne peuvent pas s’opposer à la décision de la mère. La seule exception est le cas du « dépassement des capacités d’accueil des établissements figurant sur la liste des établissements équipés pour recevoir des enfants » ou s’il existe « une situation de danger pour la santé, la sécurité ou la moralité de l’enfant »[3]. En outre, si le père n’est pas d’accord avec la présence de l’enfant en détention, le juge aux affaires familiales (JAF) statue[4]

Dans certains cas, l’enfant peut être libéré prématurément avant qu’il atteigne ses 18 mois :
- Libération de la mère
- La mère décide de mettre fin au séjour de son enfant auprès d'elle (nécessaire écrit précisant la date du départ de ce dernier) 
- Décision du JAF. Celle-ci peut résulter de la perte de l'autorité parentale de la mère, d'une demande du père, ou en cas de danger pour l'enfant.

La Commission européenne des affaires sociales, de la santé et de la famille a rendu ses recommandations le 9 juin 2001 sur le sujet des  mère et bébés en prison. Celles-ci ont été résumées ainsi : « Le milieu carcéral ne constitue pas un environnement approprié pour les bébés et les jeunes enfants, provoquant souvent un retard durable dans leur développement. Toutefois, s'ils sont séparés de force de leur mère, ils se retrouvent durablement handicapés sur les plans affectif et social. La plupart des systèmes pénitentiaires européens disposent de certaines structures pour héberger les mères avec bébé, mais des centaines de nourrissons sont néanmoins séparés de leur mère incarcérée. »
Sur la base de ces recommandations, en 2007 la Commission nationale consultative des droits de l’homme a souhaité qu’en France le délai de détention de l’enfant soit augmenté à hauteur de trois ans. 


Le régime de détention des enfants incarcérés avec leur mère 

 

Des locaux sont spécialement aménagés pour l'accueil des mères avec leurs enfants, disposant d’équipements nécessaires à l’accueil d’un enfant en bas-âge. Les cellules doivent faire 15 m² et être aménagées spécifiquement pour permettre  une séparation entre l’espace de la mère et l’espace de l’enfant. En outre, les mères détenues doivent avoir accès à une salle d’activités permettant la préparation des repas. En pratique, un transfert de la mère est souvent nécessaire.

Concernant les visites, l’enfant peut accompagner la mère si celle-ci le décide. Dans ce cas, les restrictions de visites de la mère s’appliquent.
Toutefois, l’enfant peut recevoir des visites sans la présence de la mère. De ce fait, les restrictions de visites ne s’appliquent pas, l’enfant n’ayant pas le statut de détenu. En théorie, il appartient à la mère de décider librement des personnes pouvant rencontrer ses enfants. Toutefois, le chef d’établissement peut refuser une autorisation d’accès pour des motifs liés à l’ordre et à la sécurité. Une décision judiciaire peut également aller contre la décision de la mère. Par ailleurs, le père tout comme les grands-parents peuvent bénéficier d’un droit de visite judiciairement reconnu. Enfin, le père peut saisir le JAF pour demander le refus d’une visite d’une personne à l’enfant, visite que la mère aurait autorisée.
Il faut préciser que l’enfant est fouillé avant et après les sorties.

L’enfant ne peut pas rester seul en détention sans sa mère. Il doit ainsi l'accompagner pendant chaque permission de sortir sauf lorsque l’absence ne dure que quelques heures, pour un examen médical par exemple. À l’inverse, les sorties de l’enfant sans sa mère sont déterminées librement par cette dernière, sous réserve des décisions relatives à un droit de visite de l’enfant.

Enfin, la prise en charge sanitaire de l’enfant relève des services de droit commun. Ainsi, elle n’est pas assurée par le service médical réservé aux détenus mais par un médecin extérieur choisi par la mère. Une autorisation d’accès à l’établissement doit donc être délivrée à ce praticien. 


 Proposition de loi

Exposé des motifs

   « La loi du 24 novembre 2009 dite pénitentiaire ne traite des enfants vivant avec leurs mères détenues que pour prévoir une convention éventuelle entre l'établissement pénitentiaire et le département où il est implanté. Cette convention se limite à faciliter la socialisation de l'enfant.  

   Or, le problème prioritaire de ces enfants et de leurs mères et celui de l'accès rapide aux soins : la circulaire interministérielle du 30 octobre 2012 relative au suivi sanitaire des détenus prévoit que seuls des médecins de ville et non l'unité sanitaire de l'établissement peuvent être consultés et, de surcroît, « l'extraction » étant réservée aux détenus, la sortie de ces enfants par le personnel pénitentiaire n'est pas prévue.
   Par ailleurs, de nombreux établissements vétustes sont inadaptés à la présence d'enfants en bas âge. Ceux-ci et leurs mères doivent y subir un cadre de vie éprouvant (absence d'espace et de lumière, isolement dans des cellules trop petites, enfermement permanent, absence de nurserie) dont les conséquences peuvent s'avérer néfastes au quotidien pour l'enfant et, plus largement, pour son développement. La plupart des établissements pénitentiaires ne disposent pas des espaces nécessaires à la présence d'enfants en prison et, quand cela est le cas, ceux-ci sont insuffisants. 

   Il est donc grand temps de donner à ces enfants des droits non seulement équivalents à ceux des détenus, mais également un cadre de vie décent et adapté. C'est l'objet de cette proposition de loi ».

Article unique
«  I. - Après l'article 37 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire, il est inséré un article 37-1 ainsi rédigé :
« Art. 37 -1. - Les enfants vivant avec leurs mères détenues dans un établissement de détention bénéficient des mêmes droits et services que leur parent et d'un cadre de vie adapté à leur âge et à leurs besoins. » »


Analyse

Cet article vise à permettre aux enfants en détention un accès rapide aux soins, le recours à un médecin extérieur ralentissant cet accès. Toutefois, le texte n’évoque pas précisément ce cas, une formule générale étant privilégiée.

II est possible de se demander si cela ne revient pas à supprimer le statut particulier de l’enfant en détention au bénéfice des règles applicables à l’ensemble des détenus. De plus, la loi pénitentiaire de 2009 prévoit qu’un dispositif doit être mis en place par convention pour des sorties régulières de l’enfant. Il semblerait plus judicieux d’aménager ce dispositif de sortie de l’enfant déjà prévu.

La proposition parait minimaliste au regard de la proposition faite en 2013 par le contrôleur général des lieux de privation de liberté. Celle-ci avait le mérite d’avoir un impact potentiel considérable. Il proposait une « suspension de peine pour les jeunes mères, pour raison familiale ». L’exécution de la peine aurait donc été retardée. « Demander que les jeunes mères soient bénéficiaires d’un régime assoupli ne revient pas du tout à dire qu’elles ne sont pas coupables ». « Elles reprendront après l’exécution de leur peine. Il ne s’agit pas de les décharger de leur dette ». Il a conclu que cette mesure nécessitait relativement peu d’argent, et que par conséquent, c’était « à la portée du premier gouvernement venu ». 

Un système quasi-automatique de placement provisoire sous surveillance électronique jusqu’à ce que l’enfant atteigne 18 mois semble être une solution qui mérite réflexion.

- Raphaëlle


[1] Article D. 401 C. pr. pén., issu d’un décret de 2010  
[2] Article 401-1 C. pr. pén., issu d’un décret de 2007  
[3] Circulaire du 18 août 1999 
[4] Circulaire du 18 août 1999, art. 1.1.2.

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