Au centre d'un vif débat depuis plusieurs mois, la loi travail a finalement été adopté. Face à l'effervescence suscitée par cette loi, les textes et arrêts, non moins importants, parus cet été sont passés légèrement inaperçus.
En stage, en jobs d'été ou profitant des vacances, vous n'avez pas eu le temps de suivre l'actualité du droit social de cet été 2 ?
Vous trouverez ci-dessous un résumé pour vous mettre vite à jour !
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La loi de l'été
La loi de l'été
La loi relative au Travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, plus connue sous le nom de loi Travail, apparaît, incontestablement comme la loi de l'été 2016.
Après des mois de débats survoltés et d'utilisations à répétition de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution 3, la loi a été définitivement adoptée par le Parlement le 21 juillet 2016 4.
De son adoption à sa promulgation : l'intervention attendue du Conseil constitutionnel
Dans la troisième saisine, portée par les députés "frondeurs", la procédure d'adoption de la loi est critiquée et notamment le non-respect des conditions posées par l'article 49 alinéa 3 de la Constitution et du droit d'amendement des députés. Par une décision du 4 août 2016, les Sages jugent cette procédure d'adoption conforme à la Constitution.5
Les députés et sénateurs, auteurs des saisines du 21 et 22 juillet, contestent la conformité à la Constitution des articles 27 et 64 de la loi.6 Dans la décision précitée, le Conseil constitutionnel émet une réserve d'interprétation quant au préjudice indemnisé lorsque la collectivité territoriale met fin à la mise à disposition de locaux au profit d'organisations syndicales depuis plus de 5 ans. L'application rétroactive de ce droit à indemnisation issu de l'article 27 est en outre, censurée. Quant à l'article 64 relatif aux réseaux de franchise, il fait l'objet de deux réserves d'interprétation et d'une censure partielle.
Par ailleurs, les Sages ont examiné d'office plusieurs dispositions introduites dans la loi selon une procédure contraire à la Constitution ("cavaliers") qu'il ont censurées à ce titre. Cependant, aucune mesure phare de la loi n'a fait l'objet d'une censure.
La loi est promulguée le 8 août 2016. Les dispositions de cette loi entreront progressivement en vigueur, 134 décrets d'application sont nécessaires.
De la refondation du Code du travail à la lutte contre le détachement illégal : les points clefs de la loi
La loi Travail 7 annonce une réforme d'ampleur du Code du Travail avec comme terrain d'essai : le droit du temps de travail. Une commission d'experts est chargée d'étendre à l'ensemble du Code du travail l'architecture en trois branches (ordre public, champ de la négociation collective et dispositions supplétives) mise en place dans ce domaine. Outre ce nouveau triptyque, la loi Travail comporte de très nombreuses mesures phares telles que :
- L'encadrement de l'inscription dans le règlement intérieur de l'entreprise du principe de neutralité (article 2 de la loi) c'est-à-dire une clause imposant aux salariés une restriction de la manifestation de leurs convictions (notamment religieuses) dans l'entreprise ;
- L'ajout de droits en matière de congés (article 9) : par exemple en cas de décès d'un enfant, le salarié bénéficiera de 5 jours de congés minimums (2 jours avant la loi Travail) ;
- La refonte des règles relatives à la négociation collective (articles 15 et suivants de la loi) ;
- La mise en place du compte personnel d'activité (articles 39 et suivants de la loi) qui est constitué du compte personnel de formation, du compte de prévention de la pénibilité et du compte d'engagement citoyen ;
- La modernisation de la médecine du travail (articles 102 et suivants) ;
- Le renforcement de la lutte contre le détachement illégal (articles 105 et suivants).
Du défenseur syndical aux critères de discrimination : les textes passés inaperçus
Occultés par l'effervescence autour de la loi Travail, d'autres textes impactant le droit social ont reçu un écho médiatique bien moins important. Ont notamment été promulgué cet été :
- La loi visant à lutter contre la discrimination à raison de la précarité sociale 8 du 24 juin 2016 qui introduit, par un article unique, un 21ème critère : "la particulière vulnérabilité résultant de leur situation économique, apparente ou connue de son auteur" parmi les critères de discrimination (vous pouvez lire notre article au sujet de cette loi).
- Le décret n°2016-975 du 18 juillet 2016, pris en application de la loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques (plus connu sous le nom de loi Macron). Ce décret précise les modalités d'établissement de listes, d'exercice et de formation des défenseurs syndicaux 9 , nouveaux représentants des parties devant les conseils de prud'hommes et les cours d'appel en matière prud'homale.
Les arrêts de l'été
La chambre sociale de la Cour de cassation a rendu de nombreux arrêts majeurs au cours de l'été. Les décisions sur la protection des lanceurs d'alerte et la justification des différences de traitement par le coût de la vie, rendues respectivement le 30 juin et le 14 septembre 2016 font parties des plus remarquées.
Une protection sous conditions pour le lanceur d'alerte
Le lanceur d'alerte, c'est à dire la personne qui dénonce "des faits constitutifs
d'un délit ou d'un crime dont il aurait eu connaissance dans l'exercice de ses
fonctions", bénéficie d'une protection contre le
licenciement depuis une loi du 6 décembre 201310.
Par un arrêt du 30 juin 2016, la Cour de cassation se prononce sur la
protection offerte aux lanceurs d’alerte pour des faits antérieurs à l'entrée
en vigueur de cette loi, le salarié ayant été licencié en 2011.
Au visa de l'article 10 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des
droits de l'Homme (ConvEDH), la Cour de cassation juge qu'en "raison de
l'atteinte qu'il porte à la liberté d'expression, le licenciement d'un
salarié prononcé pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits
dont il a eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions, et s'ils étaient
établis, seraient de nature à caractériser des infractions pénales, est
frappé de nullité".11
La haute cour judiciaire offre ainsi une
protection contre le licenciement aux lanceurs d'alerte tout en posant deux conditions.
Le salarié, lanceur d'alerte, doit être de bonne foi et les faits dénoncés
doivent à la fois être susceptibles d'être qualifiés d'infraction pénale et
avoir été portés à la connaissance du salarié dans le cadre de ces fonctions.
Une différence de traitement justifiée par le coût de la vie
Conformément au principe jurisprudentiel "à travail égal, salaire égal", un employeur ne peut rémunérer différemment des salariés placés dans une situation identique. Cependant, la haute cour judiciaire a admis les différences de traitement fondées sur des raisons objectives et pertinentes.12
Par un arrêt du 14 septembre 2016, la Cour de cassation juge que la disparité du coût de la vie est une raison objective, pouvant justifier des différences de traitement entre des salariés, d'établissements différents, effectuant des tâches similaires.13
Cette affaire concernait des barèmes de rémunération mis en place par la société Renault par engagements unilatéraux. Les barèmes de rémunération appliqués aux sites de production situés en Île de France étaient supérieurs à ceux appliqués au site de Douai, pour une même prestation de travail.
Pour en savoir plus, un article est entièrement consacré à cet arrêt.
Lucie.
1. Citation de Françoise Champeaux
2. Période du 21 juin au 21 septembre 2016
3. Pour en savoir plus - (re)lire le droit social du mois de janvier à mai 2016
4. Les étapes de la discussion sur le site du Sénat
5. Décision n°2016-736 du 4 août 2016
6. Communiqué de presse du Conseil constitutionnel sur sa décision n°2016-736
7. Loi n°2016-1088 relative au Travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels
8. Loi n°2016-832 visant à lutter contre la discrimination à raison de la précarité sociale
9. Décret n°2016-975 relatif aux modalités d'établissement de listes, à l'exercice et à la formation des défenseurs syndicaux
10. Loi n°2013-1117 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière
11. Cass. soc. 30 juin 2016 n°15-10557
12. Cass. Soc 8 juin 2011
13. Cass. soc. 14 septembre 2016 n°15-11386
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