dimanche 4 décembre 2016

Forfait-jours : décisions, analyse et mise en perspective



Dans un arrêt du 8 septembre 20161

la chambre sociale de la Cour de cassation s'est à nouveau prononcée sur la question du forfait jours et des dispositifs d'alerte : l'occasion de rappeler la jurisprudence à ce sujet.




"répond aux exigences relatives au droit à la santé et au repos, l'avenant du 10 novembre 2008 dont les dispositions assurent la garantie du respect des repos, journalier et hebdomadaire, ainsi que des durées maximales raisonnables de travail en organisant le suivi et le contrôle de la charge de travail selon une périodicité mensuelle par le biais d'un relevé déclaratif signé par le supérieur hiérarchique et validé par le service de ressources humaines, assorti d'un dispositif d'alerte de la hiérarchie en cas de difficulté, avec possibilité de demande d'entretien auprès du service de ressources humaines". 





    A titre liminaire, il convient de se remémorer que les salariés ayant conclu une convention de forfait annuel en jours ne sont pas concernés par la durée légale hebdomadaire du travail. En outre, ils sont exclus du bénéfice des heures supplémentaires et plus important encore : des durées maximales journalières et hebdomadaires du travail. 

    De manière prétorienne, la Cour de cassation a contribué à façonner une partie du dispositif. En effet, par un arrêt du 29 juin 20112, la Haute Cour avait suscité quelques émois en énonçant que l'accord collectif prévoyant le recours au forfait jour doit comporter des stipulations garantissant le respect des durées maximales de travail et de repos journaliers et hebdomadaires. A défaut, la convention de forfait, prise en application de l'accord, est nulle. Cette sanction comporte un effet redoutable car celle-ci oblige à calculer les heures supplémentaires effectuées par le salarié sur la base de la durée légale ou conventionnelle de travail.

    Par la suite, la Cour de cassation est venue ajouter que l'accord devait également prévoir une amplitude et une charge de travail raisonnables ainsi qu'une bonne répartition du travail dans le temps3. A défaut, les conventions individuelles de forfait prises en application d'un accord collectif insuffisant sont nulles4. La Cour de cassation est ainsi intervenue à plusieurs reprises, validant et invalidant certains accords prévoyant le recours au forfait-jours au gré des pourvois formés. Ces interventions successives ont permis de clarifier ce que doit comporter un accord collectif suffisant.
    Ainsi, par un arrêt du 8 septembre 2016, la cour d'appel a estimé qu'un relevé auto-déclaratif des journées et demi journées travaillées du salarié prévu par l'accord d'entreprise permettait d'assurer le suivi du temps de travail. Néanmoins, ledit relevé ne permettait pas à l'employeur de contrôler l'amplitude du travail.
    Au contraire, la Cour de cassation a considéré que le système auto-déclaratif constitue un dispositif de suivi et de contrôle adapté, dès lors qu'il est suffisamment encadré, confirmant sa position antérieure sur ce point5. Cet encadrement résultait en l'espèce de la signature par le supérieur hiérarchique du relevé déclaratif, validé par le service des ressources humaines, selon une périodicité mensuelle, et d'un système d'alerte prévu au sein de l'accord collectif, permettant au salarié d'y signaler les difficultés rencontrées ou de solliciter un entretien auprès du service de ressources humaines.
    Ainsi, prévoir au sein de l'accord un système d'alerte semble préconisé, voire indispensable, en cas de relevé auto-déclaratif, pour ne pas exposer les conventions de forfait jours à la nullité. En effet, dans une autre affaire, la Cour de cassation avait estimé que la Convention collective nationale du notariat était insuffisante. Le dispositif, qui ne reposait que sur les déclarations du salarié, ne prévoyait aucun suivi ou contrôle de la part de l'employeur. Ainsi, le mécanisme ne mettait pas l'employeur en capacité de prévenir ou de remédier aux situations de surcharge de travail6.

    Par ailleurs, la loi du 8 août 20167 est intervenue pour sécuriser les conventions de forfait jours en instaurant des règles supplétives en cas d'accord insuffisant. Ainsi, une convention de forfait sera valable même si elle est fondée sur un accord collectif ne prévoyant pas de suivi de la charge de travail, sous réserve :
  • Qu'un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées travaillées soit établi, sous la responsabilité de l'employeur
  • Que l'employeur s'assure que la charge de travail du salarié est compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires
  • Qu'un entretien annuel dédié à la charge et à l'organisation du travail soit organisé.
    Toutefois, ces dispositions sont peu précises. Plus particulièrement, il est exigé de l'employeur que celui-ci s'assure que la charge de travail du salarié soit compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires mais le texte ne précise pas les modalités de contrôle requises. 
    Au regard de la jurisprudence rendue à la matière, notamment l'arrêt du 8 septembre 2016, il est donc préconisé de prévoir un système d'alerte au bénéfice du salarié auprès de sa hiérarchie et de lui offrir la possibilité de demander un entretien pour traiter des problèmes rencontrés.

- Bruno 
Etudiant en Master 2 Droit et pratique des relations de travail à Panthéon Assas,
en apprentissage chez Actance, Cabinet d'avocats

- et Barbara
Etudiante en Master 2 Droit et pratique des relations de travail à Panthéon Assas,
en apprentissage chez Entrepose, filiale de Vinci Construction



1 Cass. Soc. 8 septembre 2016, n°14-26.256
2 Cass. Soc. 29 juin 2011, n°09-71.107
3 Cass. Soc. 26 septembre 2012, n°11-14540
4 Cass. Soc. 29 juin 2011, n°09-71107
5 Cass. Soc. 17 décembre 2014, n°13-22890
6 Cass. Soc. 13 novembre 2014, n°13-14206
7 Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels (article 8)

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