
Le CE a ordonné à l’administration
pénitentiaire d’améliorer les conditions d’installation des détenus durant la
nuit pour que ceux-ci ne dorment plus sur des matelas à même le sol. Il a
également demandé d’engager au plus vite des travaux de prévention des risques
incendies, d’améliorer l’accès des détenus aux produits d’entretien des
cellules et à des draps et couvertures propres. Le CE a malheureusement dû
rejeter les autres demandes car son
office limite son intervention à la prescription de mesures « urgentes »,
susceptibles d’être ordonnées dans de très brefs délais. Mais le juge des référés peut-il contraindre l’administration pénitentiaire
à enlever les matelas au sol en 48 heures ? Cette mesure ne sera sûrement
pas appliquée tout de suite …
A la suite de cet
arrêt, Christiane Taubira a reconnu l’existence de « conditions indignes
de détention » dans certaines maisons d’arrêt en France, en raison de la
surpopulation carcérale. Elle a précisé qu'un programme de construction ainsi que des
programmes de sécurisation et de rénovation des établissements sont en cours.

Ce phénomène dépend beaucoup
du budget moyen alloué à la direction de l’administration pénitentiaire par
habitant. or, en cette conjoncture économique difficile, le peuple ne souhaite pas que des sommes importantes soient allouées au bon fonctionnement des prisons. En outre, le corps social n’accepterait pas que les détenus
puissent mieux vivre que la catégorie sociale la plus défavorisée de la
société. Toutefois, il est nécessaire d’adapter le parc pénitentiaire à la politique
pénale pour une meilleure prise en charge des détenus. En France, la politique pénale est de plus en plus répressive, en raison notamment des
discours politiques sur l’insécurité. Toutefois,
le parc pénitentiaire a à peine évolué. Les politiques françaises ont été
orientées depuis 2000, et surtout depuis la loi Perben II de 2004, vers le
développement des aménagements de peine sous écrou (placement sous surveillance
électronique, placement à l’extérieur, semi-liberté). Cela s’est malheureusement avéré
largement insuffisant.
Pour résoudre ces problèmes de financement,
un député français UMP, Elie Aboud, a proposé cette année de faire payer les détenus, à l’exclusion
des mineurs, des majeurs en attente de jugement, et des personnes qui n’ont pas de
ressources. La somme serait progressive en fonction du revenu. Selon lui, cela
permettrait d’obtenir à peu près 280 à 300 millions d’euros chaque année. 50%
contribuerait à la construction et l’embellissement des prisons, et 50% pour
tout ce qui est pédagogique, désendoctrinement, formation et réinsertion. Défendant
sa proposition de loi, il rappelle qu’un détenu coûte 100e par jour.
La contribution représenterait donc environ 10% de ce qu’il coûte. Il rappelle
également que lorsqu’un détenu sort de prison, il touche une allocation
temporaire qui varie entre 513 et 1541 euros par mois, selon votre situation. Le
député pose ainsi la question suivante : « est-ce normal quand on est
prisonnier avec plusieurs enfants de toucher 50% de plus qu’un smicard qui se
lève à 7h du matin et qui rentre à 19h ? ». S’il faut garder un
regard critique sur ces arguments, il faut admettre que cela relativise la
critique inverse du « pauvre prisonnier ».
La proposition de loi a été validée, réputée constitutionnelle. Le bureau de l'assemblée nationale devra décider de l'inscrire à l'ordre du jour ou non.
L’OIP est contre. Marie
Cretenot, juriste à l’OIP, a jugé que ce n’était pas une solution. Selon elle,
le député « ignore la réalité des
conditions de détention et véhicule de fausses idées ». Elle accuse
une « démarche populiste ». « La
vie en prison a déjà un coût pour les détenus. Ils dépensent en moyenne 200
euros par mois pour l'achat de produits d'entretien, de certains aliments, pour
téléphoner à leurs famille, s'acheter des habits, ou encore louer une
télévision, un frigo ». Elle ajoute que « la majorité des gens
en détention sont là pour de courtes peines et, souvent, ils ont encore un
loyer à l'extérieur, sans compter d'éventuelles charges familiales à assumer […]
Ce n'est pas facile de trouver un emploi en prison. En moyenne, un détenu sur
quatre travaille, souvent à temps partiel. Au maximum, ils touchent 45% d'un
smic horaire brut, soit 1,92 à 4,23 euros de l'heure. Le salaire moyen est de
360 euros par mois au maximum. Ils n'arrivent quasiment pas à mettre de côté». En effet, le droit du travail ne
leur est pas appliqué (je vous invite à lire cet article à ce sujet). Marie
Cretenot ajoute que ce sont des contribuables comme les autres, et qu’ils
cotisent à la retraite par exemple. Ainsi, les détenus seraient taxés deux
fois avec cette mesure. Elle conclue que cette mesure risque « de faire payer un peu plus les
familles des détenus qui sont déjà dans des situations souvent de précarité, à
cause des frais d'avocat, de déplacements qui se cumulent».
Libre à vous de vous faire une opinion sur cette proposition de loi, et sur comment la France devrait régler son problème de surpopulation carcérale. J'aimerai beaucoup connaitre votre avis sur ce débat qui dure depuis des années. N'hesitez pas non plus à nous partager vos arguments, pour ou contre cette proposition.
- Raphaelle
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