Une différence
de traitement peut être justifiée par la disparité du coût de la vie entre
l'Ile-de-France et la province
(Soc., 14 sept. 2016, n° 15-11.386)
Par
l'arrêt Syntec en date du 27 janvier 2015, la Cour de cassation a créé une
présomption de justification des différences de traitement entre catégories
professionnelles opérées par voie de conventions ou d'accords collectifs.
Dans
l'arrêt Renault du 14 septembre 2016, la Cour de cassation a de nouveau statué
sur le principe d'égalité de traitement entre salariés. Il s'agissait dans
cette affaire d'une différence de traitement opérée par acte unilatéral de
l'employeur. La présomption de justification ne trouvait donc pas à
s'appliquer.
En
l'espèce, la société Renault appliquait un barème de rémunération différent
entre les établissements situés en Ile-de-France et un établissement situé à
Douai. L'employeur arguait que la différence de traitement était justifiée par
la différence du coût de la vie en Ile-de-France et en province. Un syndicat de
Douai a contesté cette pratique pour manquement au principe « à travail
égal, salaire égal ». La Cour d'appel a rejeté cet argument dans un arrêt
du 30 septembre 20141. Le 14 septembre 2016, la Cour de cassation a
confirmé l'analyse des juges du fond, la Cour d'appel « ayant constaté
que la disparité du coût de la vie invoquée par l'employeur [...] était
établie, [elle] en a exactement déduit que cette différence de traitement
reposait sur une justification objective pertinente ».
Il faut
rappeler que l'arrêt Ponsolle du 29 octobre 1996 a consacré le principe
« à travail égal, salaire égal ». Le périmètre de comparaison est
l'entreprise2, rendant dès lors possible la comparaison de salariés
relevant d'établissements différents3. La chambre sociale de la Cour
de cassation dans l'arrêt du 14 septembre 2016 a d'abord pris soin de rappeler
l'exception à ce principe : « une différence de traitement établie par
engagement unilatéral ne peut être pratiquée entre des salariés relevant
d'établissements différents et exerçant un travail égal ou de valeur égale, que
si elle repose sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler
concrètement la réalité et la pertinence ». Cette position
jurisprudentielle n'est pas nouvelle4. La Cour restreint les
possibilités de justification des différences de traitement entre salariés en
imposant à l'employeur d'en prouver l'objectivité et la pertinence. Dans
l'arrêt Renault, la justification tient en la différence du coût de la vie.
La chambre
sociale avait décidé en 2010 qu'« il ne pouvait y avoir de différence
de traitement entre salariés d'établissements différents d'une même entreprise
exerçant un travail égal ou de valeur égale fondée sur la seule allégation d'un
niveau du coût de la vie élevé à Paris qu'en province »5.
L'emploi des termes « la seule allégation » avait créé un
doute sur la position de la Cour de cassation6. Dans l'arrêt du 14
septembre 2016, la chambre sociale a dissipé ce doute en admettant qu'un
employeur peut fonder une différence de rémunération entre des salariés de
différents établissements sur la différence du coût de la vie. La Cour intègre
officiellement « le coût de la vie » dans les raisons objectives
justifiant une telle différence.
L'apport
de l'arrêt Renault réside essentiellement dans la caractérisation de la
pertinence du critère du coût de la vie, le système probatoire ayant été
précisé. En l'espèce, l'employeur avait apporté de nombreux éléments statistiques
démontrant la différence du coût de la vie entre Douai et l'Ile-de-France7,
s'éloignant ainsi de la simple allégation. Il a fourni des éléments issus
d'études statistiques et d'articles, démontrant les différences concernant le
niveau des loyers, le prix d'achat d'un bien à usage d'habitation au mètre
carré et les prix moyens des biens de consommation.
Par cet
arrêt, la Cour de cassation offre aux employeurs une nouvelle cause de
justification des différences de traitement, même s'il est nécessaire qu'ils
apportent une preuve suffisante de la différence constatée de rémunération.
Elle donne également aux salariés des établissements de régions au coût de la
vie élevé un argument pour négocier une rémunération plus avantageuse8.
Cependant, certains contestent cette décision du fait de la possible
amplification des inégalités entre les territoires9. L'arrêt Renault
pourrait également relancer le débat sur la pertinence d'un SMIC
« régional »10. Néanmoins, la position de la chambre
sociale de la Cour de cassation se comprend aisément. Une simple comparaison du
prix du mètre carré en région parisienne et en province justifie d'octroyer des
salaires plus élevés aux salariés travaillant dans la première.
- Juliette -
Etudiante en Master 2 Droit et pratique des relations de travail à Panthéon Assas,
en apprentissage chez Thales Avionics
- et Raphaëlle -
1CA Douai, 14e ch., 30 septembre 2014,
n°1470/14
2Cass. Soc. 6 juillet 2005 n°03-43.452, D. 2005. 2105,
obs. E. Chevrier
3Cass. Soc. 21 janvier 2009, n°07-43.452 et n°
07-43.464 : JurisData n° 2009-046650
4Cass. Soc. 28 octobre 2009, n°08-40.457
5Cass. Soc. 5 mai 2010, n°08-45.502, inédit : JurisData
n° 2010-006384
6M. Peyronnet, Différence de rémunération entre
établissements justifiée par le coût de la vie, D. 2016, p
7« Le coût de la vie permet de justifier des
disparités salariales entre établissements », Liaisons sociales Quotidien,
n°17161, 16 septembre 2016, p1
8Ibid
9M. Peyronnet, Différence de rémunération entre
établissements justifiée par le coût de la vie, D. 2016
10Z. Corrignan-Carsin, Les différences salariales entre
établissements peuvent être justifiées par les disparités du coût de la vie,
JCP G 2016,
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