Le mari de la requérante est mort le 28 mars 2008. Elle hérite de tous ses biens par testament, document réalisé devant notaire. L'héritage est contesté devant le mufti (=interprète officiel de la loi musulmane, nommé officielement en Grèce par décret présidentiel. Il est un fonctionnaire public) par la belle-famille car la charia interdit aux musulmans d'établir un testament. Le 7 octobre 2014, la Cour suprême a jugé que les questions d'héritage au sein de la minorité musulmane doivent obligatoirement se régler chez le mufti selon les règles de la charia.
Cette décision parait étonnante dans un pays membre de l'Union européenne et partie également à la Convention européenne des droits de l'Homme et du citoyen (Conv. EDH). Pourtant, cette solution est constante en jurisprudence en Grèce. Cet article va permettre de comprendre une telle situation.
Pourquoi ? Elle est appliquée sur la base de la Convention de Lausanne de 1923 entre la Grèce et la Turquie. Norme de droit internationational, elle est supérieure au droit interne grec. La loi islamique est donc appliqué en Thrace tout en restant en conformité avec le droit grec.
Une évolution abérante: Cette Convention date d'une époque où la Turquie appliquait encore la charia. Aujourd'hui, elle y est interdite. Il y a donc un grand paradoxe. La société grecque ainsi que le monde musulman ont évolués. S'ajoute un accroissement des responsabilités des muftis et l'extension du champ d'application de leurs compétences au fil du temps. A l'origine, la charia ne s'appliquait qu'aux seuls musulmans de Thrace occidentale. Mais les tribunaux religieux ont progressivement étendu leur juridiction sans que la loi grecque ne s'y oppose. La Cour de cassation a jugée que le mufti était le juge légitime des citoyens grecs musulmans où qu'ils résident, donc pas seulement en Thrace. Les tribunaux religieux ont quant à eux appliqué la charia à des conjoints musulmans alors que l'un d'eux n'était pas grec, ou pas musulman mais chrétien orthodoxe.
Une inégalité des droits: Les femmes de la minorité musulmane de Thrace ne pouvant pas se voir appliquer le droit civil, elles ne sont dès lors pas considérées comme des citoyennes ayant des droits. Ceci est contraire à la Déclaration Universelle des Nations Unies, et aux conventions internationales ou européennes pour les droits des femmes. Elles sont dans une situation d'inégalité des droits d'abord avec les hommes soumis à la charia, car celle-ci confère plus de droits aux hommes qu'aux femmes, mais également vis à vis des autres femmes du pays qui se voient appliquer le droit civil. Or la Constitution grecque elle-même affirme l'égalité des grecs devant la loi ainsi que celle entre les hommes et les femmes. La situation créée est donc contraire à la Constitution.
Une inégalité des droits: Les femmes de la minorité musulmane de Thrace ne pouvant pas se voir appliquer le droit civil, elles ne sont dès lors pas considérées comme des citoyennes ayant des droits. Ceci est contraire à la Déclaration Universelle des Nations Unies, et aux conventions internationales ou européennes pour les droits des femmes. Elles sont dans une situation d'inégalité des droits d'abord avec les hommes soumis à la charia, car celle-ci confère plus de droits aux hommes qu'aux femmes, mais également vis à vis des autres femmes du pays qui se voient appliquer le droit civil. Or la Constitution grecque elle-même affirme l'égalité des grecs devant la loi ainsi que celle entre les hommes et les femmes. La situation créée est donc contraire à la Constitution.
Pourquoi cela ne bouge pas ? Le Gouvernement grec ne souhaite pas revenir sur ce traité car ce dernier organise également les droits des grecs à Istanbul. Cela présente un risque. Les institutions européennes sont au courant de la situation mais c'est un sujet politique délicat entre la Grèce et la Turquie. Les relations entre ces deux pays se tendent en raison notamment de la radicalisation de la Turquie. Celle-ci intervient beaucoup politiquement en Thrace. Le Conseil de l'Europe fait régulièrement valoir à la Grèce qu'il juge la situation faite à sa communauté-musulmane peu compatible avec les normes des droits de l'Homme et internationales. Il l'a notamment invité à procéder à l'examen et au contrôle des décisions judiciaires rendues par les muftis dans un rapport de 2009. Il faut désormais patienter deux à trois ans pour que la Cour. EDH statue sur le cas d'espèce.
Adéa Guillot a réalisé en octobre 2014 un reportage, "Grèce: la charia au coeur de l'Europe". Il est disponible en replay sur Arté et a largement inspiré cet article, tout comme son interview. Un certain nombre d'informations sont également tirés de l'interview d'Alexis Varende, universitaire et juriste grec, en date du mois d'août 2014.
Pour approfondir: Avant la loi du 11 juillet 2001, la charia était également appliquée sur une partie du territoire français, en Mayotte. Elle était appliquée qu'aux Mahorais musulmans. Les autres résidents de Mayotte relevaient du droit commun.
Adéa Guillot a réalisé en octobre 2014 un reportage, "Grèce: la charia au coeur de l'Europe". Il est disponible en replay sur Arté et a largement inspiré cet article, tout comme son interview. Un certain nombre d'informations sont également tirés de l'interview d'Alexis Varende, universitaire et juriste grec, en date du mois d'août 2014.
Pour approfondir: Avant la loi du 11 juillet 2001, la charia était également appliquée sur une partie du territoire français, en Mayotte. Elle était appliquée qu'aux Mahorais musulmans. Les autres résidents de Mayotte relevaient du droit commun.
Raphaelle.
Sources photos: http://www.bloglovin.com/blogs/oh-so-lovely-2323933?blog=2323933&post=1723530143&viewer=true; http://www.courrierinternational.com/article/2014/07/17/une-evolution-peu-orthodoxe
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